« Etre intelligent » au singulier ou au pluriel ?  Des théories de l’intelligence aux neurosciences cognitives

Par Jean Rico Paul
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L’intelligence, terme à contours très flous, est souvent employée à tout bout de champs. À tel enseigne, elle semble tout englober à la fois. Pour preuve, faites ce simple exercice sur Google, tapez le mot « Intelligence ». Vous trouverez au moins huit (8) définitions différentes du terme affichées en haut de la page web de votre écran. Ces sens multiples semblent être à la base des théories divergentes avancées depuis un siècle de recherche sur cette faculté.  Mais pour le bien de cet article, il est bon de préciser son « étendue » (son sens) en s’appuyant  sur les définitions les plus dominantes du terme sans pour autant les évoquer dans ce texte. Ensuite, nous aborderons sommairement trois théories de l’intelligence qui nous amèneront  décrypter l’implication de la connexion neurale dans la manifestation de l’intelligence.  

Etre intelligent, c’est quoi alors ?
Généralement, parler de l’intelligence c’est faire référence aux capacités mentales comme : l’intuition, la mémoire, le langage, la résolution de problème, etc.. Mais elle touche aussi les habilités sensorielles et motrices, surtout chez les jeunes. Donc, on dit qu’une personne est intelligente suivant le contexte et aussi le niveau de sa performance. Ainsi, un joueur de foot qui sait manier très bien un ballon  dans un contexte précis et approprié pour donner à son équipe l’avantage de jeu,  sera perçu comme un joueur intelligent par plus d’un. Et le même qualificatif sera octroyé à un jeune du même âge qui s’intègre très bien en classe, obtient de bonne note et maitrise un bon nombre de sujets  de discussion.

Une seule intelligence, point final : Modèle bi-factoriel de Spearman
L’une des premières théories élaborées sur l’intelligence, a été avancée par Charles Spearman en 1904.  À partir d’une conception unitaire du concept, l’auteur postule pour l’idée selon laquelle qu’il existe une seule intelligence générale. C’est-à-dire, une capacité générale à acquérir des connaissances, à raisonner, à résoudre un problème, etc.. Et le facteur g constitue une force mentale ayant une variabilité quantitative d’un individu à un autre, d’où l’aspect différentiel de l’intelligence.  Ce qui entraine que toutes les activités intellectuelles spécifiques d’un enfant dépendent de ce facteur général d’intelligence (le Facteur G).

Parlons un peu de l’intelligence multifactorielle de Thurstone
En utilisant la même méthode, l’analyse factorielle,  Louis Thurstone (1988) aborde, pour sa part, l’intelligence sous un autre angle. Dans sa théorie, l’intelligence est  décomposée en différentes capacités cognitives. Il identifie au total huit (8) facteurs stables appelés aux aptitudes mentales primaires : Vitesse de perception (P), Capacité numérique (N), Fluidité verbale (W), Compréhension verbale (V), Capacité (s) spatiale (s) (S), Mémoire associative (M), Raisonnement général (R) et Motricité (Mo). Ce qui lui pousse à penser, à la lumière de ses recherches, qu’il y a plusieurs sortes d’intelligences reliant à chaque aptitude mentale primaire. Un enfant peut être très performant en langues et orthographes (W) par exemple, mais très piètre en matière d’orientation (S). En somme, il comprend l’intelligence comme un ensemble d’aptitudes mentales primaire non réductibles à une seule dimension de niveau supérieur.

Fin de l’analyse factorielle, passons à la Théorie de l’Intelligence Multiple (Gardner)
Une alternative à la conception globale de l’intelligence a pris forme avec Howard Gardner qui a dégagé « la théorie des intelligences multiples » (1983/1996) indiquant qu’il existe huit (8) formes d’intelligence qui sont différentes et indépendantes les unes des autres :
1) l’intelligence verbale (linguistique),
2) l’intelligence logico-mathématique,
3) l’intelligence visuo-spatiale,
4) l’intelligence musicale (rythmique),
5) l’intelligence corporelle (kinesthésique),
6) l’intelligence interpersonnelle,
7) l’intelligence intrapersonnelle
8) l’intelligence du naturaliste.

Une vision originale qui étend encore plus le sens du terme d’intelligence, ce qui entraine un autre regard sur l’ « être intelligent ». Si on comprend bien cette théorie, Leonel Messi (5 ballons d’or) n’est ni plus ni moins intelligent que Alice Munro (Prix Nobel de littérature en 2013). Ils ont donc des intelligences différentes l’une de l’autre. La première personnalité avait tout simplement une intelligence kinesthésique poussée, la seconde  intelligence linguistique.

À partir de ces trois (3) théories que nous venons de résumer, nous pouvons entrevoir en lisant entre les lignes leur point commun, les capacités mentales. Qu’on parle de Facteur spécifique (Spearman), d’aptitude mentale primaire (Thurstone) ou même forme d’intelligence, ces concept traduisent les mêmes phénomènes mentaux. Alors si nous prenons une carte du cerveau indiquant les zones cérébrales avec leurs fonctions cognitives bien spécifiques, nous pouvons facilement les localiser. Pour illustrer, prenons l’exemple de l’aire de Wernicke  qui assure  la compréhension verbale (Thurstone) ou le lobe frontal qui siège la pensée et de résolution de problème (facteur de Spearman).

Et connexion neuronale ?
En 2017, Karine Jacquet, dans le magazine Science et Vie, a écrit un article visant à montrer ce qui se passe dans le cerveau des enfants doués d’une intelligence supérieure. Elle indique que leurs cerveaux  se distinguent des autres par l’épaisseur de leurs cortex.  Elle cite les travaux des scientifiques qui affirment que les cerveaux des surdoués (Q.I. = <120) sont plus minces que ceux des autres. Dans un autre article du site radio-canada.ca, écrit par Alain Labelle, rapportant les analyses  des neuroscientifiques allemands qui peuvent être résumées en ces termes :  le cerveau d’une personne intelligente est connecté différemment de celui d’une autre personne moins intelligente.  C’est-à-dire les informations passent plus rapidement d’un réseau neuronal à un autre plus facilement et plus efficacement dans le cerveau de la personne intelligente.

Selon certaines études, les personnes intelligentes décantent plus rapidement les informations les plus pertinentes de celles qui le sont moins. D’autres avancent que le corps calleux des personnes intelligentes qui assure la communication entre les deux hémisphères du cerveau, a un faisceau de fibres nerveuses plus développés que celui des personnes moins intelligentes.

Dans cet ordre des choses, « être intelligent » ne dépend pas seulement d’une bonne éducation ou des facteurs socioculturels.  D’ailleurs plusieurs travaux en neurosciences nous  poussent  à croire que la vitesse d’un influx nerveux d’une cellule nerveuse à une autre ou d’un circuit neural à un autre contribue beaucoup à la manifestation de l’intelligence. De plus,  une nouvelle expérience vient corroborer l’hypothèse d’une origine génétique importante de l’intelligence. Dans cette expérience réalisée en 2018, He Jianckui, chercheur chinois, a procédé à la fabrication des bébés génétiquement modifiés provoquant une augmentation des capacités cognitives de ces bébés. Et mon petit doigt me dit que ces genres d’expérience continueront dans les années.

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Références
https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/cerveau-pourquoi-nous-blamons-facilement-les-autres_104355
https://www.ordrepsy.qc.ca/-/que-se-passe-t-il-a-l-interieur-du-cerveau-intelligent-
https://www.science-et-vie.com/questions-reponses/qu-y-a-t-il-a-l-interieur-du-cerveau-des-surdoues-9873
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1069135/intelligence-connexion-regions-cerebrales-neuroscientifiques-allemands
https://www.apprendreaapprendre.com/reussite_scolaire/intelligence-et-cerveau/

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